Prévenir les conduites addictives dans les territoires prioritaires
Aujourd’hui, les actions déployées se déroulent de plus en plus dans les territoires définis comme prioritaires[1]. Cette évolution est la conséquence d’un double mouvement :
- La concentration des moyens des partenaires institutionnels (Commune, Agence Régionale de Santé ; MILDECA, Education Nationale etc.) sur les quartiers les plus en difficulté
- L’augmentation des demandes d’intervention des acteurs de ces territoires qui localement manquent de ressources en matière de prévention des conduites addictives.
Pour répondre au plus près des besoins de ces quartiers, l’équipe adapte son action au regard d’un certain nombre de spécificités :
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Porter un regard inconditionnellement positif sur les personnes
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Prendre en compte la place spécifique des drogues dans les quartiers
Porter un regard inconditionnellement positif sur les personnes
Encore plus qu'ailleurs, il est important de ne pas faire des conduites addictives un problème supplémentaire qui viendrait s’ajouter à une réalité déjà complexe. Ainsi, parce qu’une concentration accrue de facteurs de précarité (difficultés économiques et sociales, isolement, accès limité à l’éducation, à la culture, à la santé) génère de la stigmatisation, l’équipe de prévention est vigilante à ne pas renforcer les représentations négatives, que ce soit avec les professionnels du quartier ou avec le public.
Il s’agit donc de reconnaître puis valoriser les savoirs et les savoirs-faire des habitants de ces territoires en menant des actions qui participent au développement des compétences psychosociales, au renforcement de l’estime de soi, et ce, dès l’école élémentaire.
Prendre en compte la place spécifique des drogues dans les quartiers
Dans ces territoires, les drogues représentent plus qu’ailleurs une solution, puisqu’en plus de fonctions expérientielles, socialisantes, récréatives ou « d’auto-médication », leur trafic est ou peut être vécu comme une source de revenus. L’équipe prend donc en compte cette question dans ses interventions, ce qui les orientent de fait davantage vers des actions d’éducation à la citoyenneté ou de prévention de la délinquance.
Les professionnels de prévention échangent ainsi avec les jeunes sur leurs représentations du trafic de stupéfiants. Ce travail permet de remettre en question le fantasme de l’argent facile en mettant notamment en regard les bénéfices potentiels et objectivés du trafic avec les risques avérés qui y sont associés. Qu’ils soient déjà impliqués ou simples spectateurs du trafic de stupéfiants dans leur environnement, les jeunes apprécient de pouvoir évoquer ces questions sans diabolisation et en dehors de tout jugement moral.
Adapter les conditions d'exercices
Les conditions d’exercice auxquelles sont confrontés les chargés de prévention sont souvent difficiles. Les conditions matérielles, les exigences disciplinaires, le turn over des professionnels que ce soit dans les équipes éducatives des établissements scolaires ou dans d’autres structures, nécessitent d’adapter les modalités de mise en œuvre.
Pour qu’elles s’intègrent au mieux dans le cadre contraint des institutions, les professionnels consacrent un temps important à aménager l’action et à la réajuster autant que faire se peut au gré des aléas ou des difficultés rencontrées.
Déployer une méthode participative
Le déploiement de méthodes d’animation appropriées est indispensable au bon déroulement de l’action. Que ce soit dans les collèges, lycées ou en CFA, il s’agit d’abord de créer un climat de confiance. Souvent, les jeunes appréhendent la manière dont ils peuvent être perçus par les professionnels et s’interrogent sur ce que l’on attend d’eux.
Pour dépasser cette rencontre empreinte de méfiance, les professionnels adaptent leur posture et le contenu de l’intervention : le recours à l’humour, la prise en compte de l’expérience des publics et des codes qui leurs sont propres favorisent l’alliance avec eux. Par ailleurs, le travail en petit groupe permet de se décaler du cadre classique d’intervention auquel ils sont habitués. Leur donner la possibilité de s’exprimer, de s’organiser (désignation d’un animateur, d’un rapporteur, d’un secrétaire) et de construire eux-mêmes un contenu accentue leur intérêt pour ce qui est proposé.
L’animation de ces séances requiert de la part des chargés de prévention une capacité à s’adapter, à innover avec chaque groupe pour être au plus près de leurs préoccupations du moment. Ces séances donnent lieu à des échanges sur des thématiques variées allant de leur vision du bien-être à leurs représentations (souvent tranchées) des drogues, de leur usage et de leur trafic.
Développer un maillage territorial
L’approche participative développée dans ces quartiers entraîne un élargissement des publics bénéficiaires des actions de prévention. Au-delà des actions menées dans les établissements scolaires et les centres de formation, l’équipe s’attache à créer des passerelles avec les autres lieux ou espaces de socialisation du quartier.
Ainsi, l’animation de « cafés parents » dans les centres sociaux ou la formation des médiateurs sociaux par exemple contribuent à instaurer des relais de prévention. Encore plus qu’ailleurs, ce maillage territorial est indispensable pour créer un environnement favorable et construire un continuum entre la prévention et le soin.
[1] Périmètres définis notamment dans le cadre de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (remplacement des anciennes zones ZUS, CUCS, ZRU, ZFU etc. par le critère unique de la faiblesse du revenu des habitants) et dans le cadre des réseaux d’éducation prioritaire.